
Au coin du feu, le Petit Cahier rencontre Jung...
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Vacances de Toussaint en Bretagne chez des amis. J’y revois Marie-Claire Dolghin [1], médecin-psychanaliste jungienne [2] . Son analyse et son approche de la vie m’ont plusieurs fois touchées lors de précédentes rencontres et je m’enhardis à lui raconter l’histoire du Petit Cahier et à lui demander quel est son regard sur cette aventure...
Quelques minutes après notre échange, je jette "en vrac" sur mon propre cahier quelques notes telles qu’elles sortent de ma mémoire :
Le Petit Cahier permet à l’enfant de se construire comme sujet. Ainsi, on est bien ici dans le domaine de l’Education.
Ce "lieu" doit être respecté par le Maître comme par la Famille. C’est l’espace sacré de l’intime. L’enfant qui est invité à exprimer l’intime ne doit pas être abusé.
Du côté du Maître, on peut dire : "Je lis vos cahiers sauf si vous ne le souhaitez pas. Sauf si vous avez besoin que cela reste personnel." Cela peut évoluer dans le temps. Un enfant peut vouloir que le Maître ne regarde pas "la page d’aujourd’hui" parce que l’affect est encore trop présent et trop vif. Mais cela peut changer quelques jours après car une distance s’est créée avec ce qui a été exprimé.
Du côté de la Famille : on peut accepter que les Petits Cahiers restent à l’école si l’enfant le souhaite. Il est important que l’école puisse être pour certains enfants un lieu où ils puissent se soustraire à la toute-puissance des Parents. Il faut parler de tout cela aux Parents afin d’expliquer ces points. Et cela tout en sachant que des parents seront de toutes façons intrusifs. D’où l’intérêt que l’enfant puisse laisser son Petit Cahier à l’école en ayant l’assurance que personne ne le lira.
Si un enfant exprimait dans son Petit Cahier (qu’il laisse lire) un problème grave (maltraitance, inceste...). En parler avec lui afin de l’inciter à en parler avec l’assistante sociale, le juge... Il est important que ce soit l’enfant qui décide de la démarche, qui la fasse en tant que sujet. Et bien sûr, qu’on l’accompagne car il est encore jeune. Ne pas agir "à la place de l’enfant" et sans son accord permet de voir plus clair entre fantasmes, réalité et manipulations possibles.
Tout ce qui permet au sujet de se construire est éminemment du domaine de l’Education. Bien sûr, l’utilisation du Petit Cahier est thérapeutique, si l’on veut. Mais il n’est pas du domaine de la Thérapie.
Il faut poser un cahier des charges précis concernant les adultes, Maîtres et Parents, afin d’éviter les débordements et les dérapages.
Tout cela est riche d’enseignement pour moi et le sujet a fortement intéressé aussi les amis qui ont assisté à nos échanges. Après avoir pris le temps de rédiger mes propres notes, je demande aux uns et aux autres de me livrer leurs propres souvenirs relatifs à la conversation à laquelle ils viennent d’assister :
L’enfant est toujours sous une autorité toute-puissante dans l’obéissance et dans les normes (y compris celles de la télévision...).
Cet espace d’intimité qu’est le Petit Cahier lui permet d’être "sujet" et de "penser" ce qu’on lui propose. Il sort ainsi de la toute-puissance.
Pour qu’il puisse rester "sujet", il est important qu’il ait la liberté de ne pas être lu et qu’il n’y ait pas de jugement porté sur ses écrits.
L’enfant se construit donc ainsi et peut s’investir mieux dans le travail scolaire.
Permettre à un jeune de se construire n’est ni l’enseignement, ni la thérapie, mais l’Education.
Permettre le Petit Cahier, c’est une façon d’accompagner la personne qui se construit.
Il est important de savoir préserver la nécessité du secret.
En devenant "sujet", l’enfant commence à penser par lui-même...
Cela peut mettre la "toute-puissance" de l’enseignant en jeu...
On voit ici repris les grands thèmes que j’avais notés mais il est intéressant pour moi de les entendre relevés par les autres personnes présentes...
Les conversations se poursuivent ensuite à bâtons rompus et il est fait par l’un des participants un parallèle entre le Petit Cahier et... la Pensine d’un célèbre Professeur ! Nous sommes ici bien loin de Jung... mais il m’a semblé intéressant de faire partager cette image...
Le Petit Cahier fait penser à la "Pensine" de Dumbledore [3] dans laquelle celui-ci peut déposer des pensées trop envahissantes en sachant qu’il pourra y revenir, qu’elles ne sont pas perdues.
On veut toujours "garder" ce qui ne va pas bien et cela empêche de se concentrer sur autre chose. Le Petit Cahier peut permettre de "garder", de "conserver", tout en se "libérant".
Grâce à la Pensine, on peut aussi montrer ces pensées au moment où on le souhaite et à qui on le souhaite...